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LA MARQUISE DE GANGE

de vous les résolutions du courage. Le mal est fait, il faut le réparer : vous l’aggravez en refusant de le détruire, et vous ne le pouvez qu’en suivant mes conseils. L’idée de prévenir madame de Roquefeuille m’était venue cent fois ; mais une telle trahison répugnait à mon cœur. Cette mère effrayée enlevait sa fille ; on vous eût soupçonnée d’y avoir pris part ; Ambroisine devenait malheureuse, sans qu’il en fût résulté autre chose que du chagrin pour elle, et les effets du désespoir de votre mari, dont les éclats seraient nécessairement retombés sur vous. — Ce moyen eût été affreux, dit la marquise ; je l’aurais constamment repoussé. — Acceptez donc celui que je vous offre, ou vous allez devenir la plus malheureuse des femmes. — Mais, dit la marquise à moitié rendue, êtes-vous bien sûr de Villefranche ? — Plus que de moi-même, répondit l’abbé ; car il feindra, et n’éprouvera rien ; et je ne répondrais pas, dit Théodore en baissant les yeux, de ne rien éprouver en feignant. Je ne vous demande que l’air d’accepter les soins de mon ami ; cela fait, repoussez avec énergie tout ce qui paraîtrait sérieux. Encore une fois ne craignez rien de lui : instruit de nos projets, il en saisira parfaitement l’esprit, et ne s’écartera, en quoi que ce puisse être, de ce qui pourra les faire réussir. Mais cachez tout à votre mari, pénétrez-vous des dangers d’un éclaircissement qui ne pourrait avoir que les plus funestes