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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/86

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LA MARQUISE DE GANGE

une jalousie qui le lui rende. Elle est convaincue qu’il lui préfère Ambroisine, et elle se persuade elle-même qu’en ayant l’air de t’aimer, elle le ramènera dans ses bras. Au surplus, profite de la circonstance ; elle peut être heureuse pour toi. Réalise le personnage dont je ne veux te donner que la physionomie ; deviens l’amant de la marquise ; et si tu n’es heureux que par hasard, au moins l’auras-tu été quelques jours.

Villefranche n’eut pas de peine à s’engager. Ce n’est ni à son âge, ni avec les dispositions qu’il avait d’aimer la marquise, qu’on se refuse à de tels arrangements ; et, d’après tout ceci, l’abbé, voyant ses scènes suffisamment liées, ne s’occupa plus que de leur dénouement.

— Mon ami, dit-il à Perret, en lui détaillant ses premières manœuvres, je crois que j’ai parfaitement tout brouillé dans cette maison, et que le plus grand succès doit incontestablement couronner mes entreprises. Il ne faut plus que du courage et de la persévérance. — Mais si tout cela réussit, dit Perret, n’est-il pas très possible que nous fassions naufrage au port ? — Comment veux-tu que cela soit, si je parviens à me rendre maître de cette femme fière ? — Mais croyez-vous que sa vertu l’abandonnera ?… Le malheur, loin de diminuer les forces, les électrise dans une âme élevée ; et l’on a vu de ces héroïnes de vertu que rien ne parvenait à faire succomber. — Oui,