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LA MARQUISE DE GANGE

bateaux, ces deux villes alors ne paraissent en faire qu’une seule.

Telle est la réunion tumultueuse où un étranger peut se former une idée singulière du commerce de la France. Que d’affaires se terminent là en sept ou huit jours de temps ! Quel mouvement ! Quelle circulation ! Il semble que Plutus soit l’unique dieu qu’on y révère, et que son or, au lieu de sang, circule dans toutes’les veines. Mais si le travail occupe toutes les journées, les soirs n’en sont pas moins régulièrement consacrés aux amusements publics les plus variés : courses dans la prairie, abondance de rafraîchissements et de glaces dans les cafés ; à droite, magnifique spectacle des bâtiments de toutes les nations, qui viennent y vendre ou y échanger leurs marchandises ; à gauche, des danses au son de mille instruments divers ; grands et petits spectacles ; feux d’artifice, et promenades d’autant plus intéressantes que, dans cette foule prodigieuse qui les compose, toutes les langues s’y parlent, et toutes les nations s’y remarquent. Là, le même besoin de trafiquer, le même désir de se dissiper semble lier tous les hommes, et ne faire de tous qu’une même famille, dont les intérêts sont égaux. À peine a-t-on le temps de dormir ; à peine a-t-on celui de manger. Jusqu’aux oisifs, tout le monde y paraît affairé, et le plaisir conduit également le soir à la prairie et ceux qui n’ont éprouvé que