Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/107

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tain que je préférerais la mort à ces horreurs, de quelle utilité puis-je vous être, et pourquoi vous opposez-vous à ma fuite ? Assurément, nous nous y opposons, mon ange, répondit Cœur-de-Fer ; vous devez servir nos intérêts ou nos plaisirs ; vos malheurs vous imposent ce joug ; il faut le subir : mais vous savez, Justine, qu’il n’y a rien qu’on ne puisse arranger dans ce monde : écoutez-moi donc, et faites vous-même votre sort. Consentez de vivre avec moi, chère fille ; consentez à m’appartenir en propre, et je vous épargne le triste rôle qui vous est destiné. — Moi, monsieur, devenir la maîtresse d’un… — Dites le mot, Justine ; d’un coquin, n’est-ce pas ? Il est bien certain que je ne puis vous offrir d’autres titres ; car vous croyez bien que nous n’épousons pas, nous autres. L’ennemi juré de tous les freins, n’est pas d’humeur à se lier jamais par aucun ; et plus ceux-là paraissent captiver les hommes ordinaires, plus des scélérats comme nous les détestent. Cependant, raisonnez un peu : dans l’indispensable nécessité où vous êtes de perdre ce qui vous est si cher, ne vaut-il pas mieux le sacrifier à un seul homme, qui deviendra dès-lors votre soutien et votre protecteur, que de vous pros-