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Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/129

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qu’il laissait à chacun le libre exercice de ses forces et de son industrie, dont il se trouvait privé par le pacte injuste d’une société enlevant toujours trop à l’un, et n’accordant jamais assez à l’autre ; donc l’être vraiment sage est celui qui, au hasard de reprendre l’état de guerre qui régnait avant le pacte, se déchaîne impérieusement contre ce pacte, le viole autant qu’il le peut, certain que ce qu’il retirera de ces lésions sera toujours supérieur à ce qu’il pourra perdre, s’il se trouve le plus faible ; car il l’était de même en respectant le pacte ; il peut devenir le plus fort en le violant ; et si les loix le ramènent à la classe dont il a voulu sortir, le pis-aller est qu’il perde la vie, ce qui est un malheur infiniment moins grand que celui d’exister dans l’opprobre et dans la misère. Voilà donc deux chances pour nous ; ou le crime, qui nous rend heureux, ou l’échafaud, qui nous empêche d’être malheureux. Je le demande, y a-t-il à balancer ? et votre esprit, Justine, trouvera-t-il un raisonnement qui puisse combattre celui-là ?

Il y en a mille, monsieur, il y en a mille, reprit Justine avec vivacité ; mais cette vie, d’ailleurs, est-elle donc l’unique objet de