Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/130

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l’homme ? y est-il autrement que comme dans un passage, dont chaque degré qu’il parcourt ne doit, s’il est raisonnable, le conduire qu’à cette éternelle félicité, prix assuré de la vertu ? Je suppose avec vous, ce qui pourtant est rare, ce qui choque bien sûrement toutes les lumières de la raison, mais n’importe, je vous accorde un instant que le crime puisse rendre heureux ici bas le scélérat qui s’y abandonne, vous imaginez-vous que la justice de ce Dieu, qui existe, quoique vous le méconnaissiez, croyez-vous, dis-je, que cette justice éternelle n’attende pas ce mal-honnête homme dans un autre monde pour venger celui-ci ?… Ah ! ne soutenez pas le contraire, monsieur, je vous en conjure ; c’est la seule consolation de l’infortune, ne la lui enlevez pas. Dès que les hommes nous délaissent, qui nous vengera, si ce n’est Dieu ? — Qui ? Personne, Justine, personne absolument ; il n’est nullement nécessaire que l’infortune soit vengée ; elle l’espère, parce qu’elle le desire ; elle s’en flatte, parce qu’elle le veut ; cette idée gigantesque la console ; mais elle n’en est pas moins fausse ; il y a mieux : il est essentiel que l’infortune souffre ; son humiliation, ses douleurs sont au rang des loix de la nature ; et son existence