Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/133

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bientôt sur la terre autant de religions que de peuples, autant de dieux que de familles. Sous toutes ces dégoûtantes idoles, il était cependant facile de reconnaître ce phantôme absurde, premier fruit de l’aveuglement humain ; le mime était différemment costumé, mais c’était toujours le même farceur ; on le servait par des simagrées différentes, mais c’était toujours le même culte. Or, que prouve cette unanimité, si-non l’égale bêtise de tous les hommes, et l’universalité de leur faiblesse ? S’en suit-il delà que je doive imiter leur ineptie ? Si de plus profondes études, si un esprit plus mûr et plus réfléchi me contraint à reconnaître, à pénétrer les secrets de la nature, à me convaincre enfin, comme je vous le disais tout-à-l’heure, que dès que le mouvement est en elle, le besoin du moteur devient nul ; dois-je dès-lors, m’assouplissant comme vous sous le joug honteux de cette dégoûtante chimère, renoncer, pour lui être agréable, aux plus douces jouissances de la vie ? Non, Justine, non, je serais un extravagant, si je me comportais ainsi ; je serais un fou indigne de cette raison que la nature m’accorde pour démêler les pièges que l’imbécillité ou la fourberie des hommes me ten-