Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/134

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dent chaque jour : cesse de croire à ce Dieu fantastique, mon enfant, il n’exista jamais. La nature se suffit à elle-même, elle n’a nullement besoin d’un moteur : ce moteur, gratuitement supposé, n’est qu’une décomposition de ses propres forces, n’est que ce que nous appelons dans l’école une pétition de principes. Un Dieu suppose une création, c’est-à-dire, un instant où il n’y eut rien, ou bien un instant ou tout fut dans le cahos ; si l’un ou l’autre de ces états était un mal, pourquoi votre imbécille Dieu le laissa-t-il subsister ? Etait-ce un bien ? pourquoi le changea-t-il ? Mais si tout est bien maintenant, Votre Dieu n’a plus rien à faire ; or, s’il est inutile, peut-il être puissant ? et s’il n’est pas puissant, peut-il être Dieu ? peut-il mériter nos hommages ? Si la nature se meut perpétuellement, en un mot, à quoi sert le moteur ? et si le moteur agit sur la matière en la mouvant, comment n’est-il pas matière lui-même ? Concevez-vous l’effet de l’esprit sur la matière, et la matière mue par l’esprit qui, lui-même, n’a point de mouvement ? Vous dites que votre Dieu est bon, et cependant, selon vous, malgré son alliance avec les hommes, malgré le sang de son cher fils,