Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/138

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fant, un autre individu, près de-là, se fut occupé de soulager l’infortune, ce dernier n’aurait pas mérité du ciel, pendant que vous vous rendiez digne de toute sa colère ? — Non certes, il n’eut pas mérité davantage, Justine ; premièrement, parce qu’il n’existe ni peines, ni récompenses à venir ; et secondement, parce que l’homme bienfaisant, que vous venez de mettre en parallèle avec moi, n’ayant agi que d’après les mêmes impulsions de la nature, n’a pu se rendre, à ses regards, ni plus coupable, ni plus méritant. Diverses circonstances nous auraient déterminé l’un et l’autre ; divers organes, différentes combinaisons de ces organes, auraient produit le crime en moi, et la vertu dans lui ; mais nous aurions agi tous deux, comme il convenait à la nature que nous agissions ; lui, en faisant une bonne œuvre, parce qu’elle était utile aux plans actuels de la nature ; moi, en commettant un crime, parce qu’il fallait un contre-poids dans la balance ; et que si ce parfait équilibre n’existait pas, et que l’un ou l’autre de ces modes vinssent à l’emporter, le cours des astres serait interrompu, et le mouvement absolument détruit dans l’Univers… qui, purement matériel et mécanique, ne peut se juger,