Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/156

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défendit ; quelques caresses ramenèrent la confiance, et l’on se mit en route.

Il était environ quatre heures du soir ; à cette petite scène près, Saint-Florent ne s’était pas encore démenti ; même honnêteté, mêmes prévenances, même délicatesse ; eut-il été le père de Justine, elle ne se serait pas cru plus en sûreté ; tous ses soupçons se dissipaient. Notre infortunée ne savait pas que c’est l’usage quand le danger approche.

Bientôt les ombres de la nuit commencent à répandre dans la forêt cette sorte de terreur religieuse qui fait naître à-la-fois, la crainte dans les ames timides, le projet du crime dans les cœurs féroces Nos voyageurs ne suivaient que des sentiers, Justine marchait la première ; elle se retourne pour demander à Saint-Florent si ces routes écartées sont réellement celles qu’il faut suivre… s’il croit enfin que l’on doive arriver bientôt ? Ici l’égarement du libertin était à son comble, ses fougueuses passions venaient de briser tous les freins… Il faisait nuit, le silence des bois, l’obscurité qui les enveloppait, tout irritait dans lui des desirs qu’il se voyait enfin le maître de satisfaire. Le paillard, en bandant, rappelait à son imagination lascive ce que le