Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/160

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0 homme ! te voilà donc, quand tu n’écoutes que tes passions !

Justine, revenue à elle, et reconnaissant l’horrible état dans lequel elle est, veut terminer ses jours. Le monstre ! s’écrie-t-elle, que lui ai-je fait ? par où ai-je pu mériter de sa part un aussi cruel traitement ? Je lui sauve la vie, je lui rends sa fortune, il m’arrache ce que j’ai de plus cher ; des tigres, au fond des plus sauvages forêts, n’eussent point osé de tels crimes !… Quelques minutes d’abattement succèdent à ces premiers élans de la douleur : ses beaux yeux, remplis de larmes, se tournent machinalement vers le ciel ; son cœur s’élance aux pieds du maître que son infortune y suppose ; cette voûte pure et brillante, ce silence imposant de la nuit… cette image de la nature en paix, près du bouleversement de son ame égarée, tout répand une ténébreuse horreur autour d’elle, d’où naît bientôt le besoin de prier : elle se précipite aux genoux de ce Dieu puissant, nié par la sagesse, et cru par le malheur.

« Etre saint et majestueux, s’écrie-t-elle en pleurs, toi qui daignes en ce moment affreux remplir mon ame d’une joie céleste qui m’a sans doute empêché d’attenter a mes