Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/162

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De bien différentes idées nourrissaient l’esprit de Saint-Florent. Il existe des ames dans le monde pour qui le crime a tant de charmes, qu’elles ne peuvent jamais s’en rassasier ; un premier délit n’est pour elles qu’une amorce de plus au second ; et leur satisfaction n’est complette, que quand la mesure est remplie.

Quel joli pucelage je viens de cueillir, se disait ce traître, assis contre un arbre à deux cens pas de l’arène où sa victime était immolée ?… quelle innocence ! quelle fraîcheur ! que de graces et que de beautés !… comme elle m’embrâsait !… comme elle irritait tous mes sens !… je l’aurais étranglée, si elle eût été capable de m’opposer quelques résistances… Peut-être ai-je tort de lui laisser la vie… si elle rencontre quelqu’un, elle se plaindra de moi… on peut m’atteindre, on peut me perdre ; qui ne sait jusqu’où peut aller la vengeance d’une fille irritée ?… Allons l’achever… cette chétive créature de plus ou de moins dans l’Univers n’y fera pas la plus légère altération… c’est un ver que j’écrase en passant, c’est un animal venimeux qui dirige vers moi son dard, et que j’empêche de me blesser ; il y a bien peu de mal à se débarrasser de ceux qui veulent nous nuire… retour-