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nons ; mais la malheureuse Justine, destinée par la main du ciel à parcourir toute entière la route épineuse de l’infortune, ne devait pas succomber si jeune. Saint-Florent s’emporte en ne la trouvant plus ; il l’appelle ; elle l’entend, et fuit avec plus de force. Laissons ici ce scélérat se désespérer seul de n’avoir pas mieux réussi ; laissons-le reprendre son chemin : peut-être le retrouverons-nous un jour. L’ordre des faits ne nous permet maintenant que de suivre le fil des aventures de notre intéressante Justine.

Le voilà encore, ce monstre, dit-elle en doublant sa marche ; que peut-il me vouloir ? ne m’a-t-il donc pas suffisamment outragée ? que lui reste-t-il à entreprendre ? et elle s’enfonce dans un taillis pour se soustraire aux recherches d’un homme qui ne l’aurait rejoint que pour l’assassiner ; elle y passa le reste de la nuit dans des inquiétudes horribles.

Eh bien ! pense-t-elle quand le jour paraît, il est donc vrai qu’il y a des créatures humaines, que la nature ravale au même sort, que celui des bêtes féroces ; cachée dans leur réduit, fuyant les hommes à leur exemple, quelle différence y a-t-il maintenant entre elles et moi ? Est-ce donc la peine de naître pour un sort