Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/182

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soldat, d’un cocher ; d’en être tour-à-tour chéri, caressé, jalousé, menacé, battu ; tantôt victorieux dans leurs bras, et tantôt victime à leurs pieds, les attendrissant par des caresses, les ranimant par des excès : eh ! non, non, Justine, tu ne comprends pas quel est ce plaisir pour une tête organisée comme la mienne. Mais, le moral à part, si tu te représentais quelles sont les titillations voluptueuses de ce divin goût ! ce qu’il fait sentir… éprouver ; il est impossible d’y tenir ; c’est un chatouillement si vif… des mouvemens de lubricité si piquans… un délire si complet… on perd l’esprit, on déraisonne ; mille baisers, plus ardens les uns que les autres, n’expriment pas encore avec assez d’ardeur l’ivresse où nous plonge l’agent ; enlacé dans ses bras, les bouches colées l’une sur l’autre, nous voudrions que notre existence entière pût s’incorporer à la sienne ; nous ne voudrions faire avec lui qu’un seul être ; si nous osons nous plaindre, c’est d’être négligées ; nous voudrions que, plus robuste qu’Hercule, notre fouteur nous pénétrât, nous élargit ; que cette semence précieuse, élancée brûlante au fond de nos entrailles, fit, par sa chaleur et sa force, jaillir la nôtre dans ses