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celle de son semblable ? Comment légitimer ces sophismes autrement que par les plus absurdes raisonnemens de l’amour-propre et de l’orgueuil ! Tous les animaux, abandonnés dans le monde à leur propre prudence, sont tous également, à leur tour, tantôt victimes et tantôt meurtriers ; ils ont tous également reçu de la nature le droit d’altérer les opérations de cette nature, autant que leurs facultés peuvent le leur permettre. Rien n’existerait dans l’Univers sans l’exercice absolu de ce droit : tous les mouvemens, toutes les actions des hommes changent l’ordre de quelques portions de la matière, et détournent de leur cours usité les loix générales du mouvement. En rapprochant ces conséquences, nous trouverons donc que la vie de l’homme dépend des loix générales du mouvement, et que ce n’est point outrager la nature que de troubler ou que d’altérer ces loix générales en quelque manière que ce puisse être. Il est donc clair que, d’après cela, chaque homme a le droit de disposer de la vie de son semblable, et d’user librement d’une puissance que lui a délégué la nature ; il n’y a que les loix qui n’ont pas ce privilège, et cela, par deux excellentes raisons : la première, parce