Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/249

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la détermine à tout accepter ; mais comme un retour si prompt l’eut infailliblement fait soupçonner de fraude, elle ménagea quelque tems sa défaite, et mit Bressac dans le cas de lui répéter souvent ses maximes. Insensiblement elle eut l’air de ne plus savoir que répondre ; Bressac la croit convertie, il se précipite dans ses bras. Quelle jouissance pour Justine, si ce mouvement eût eu la sagesse pour cause !… Mais il n’était plus tems ; l’horrible conduite de cet homme, ses desseins parricides, avaient anéanti tous les sentimens conçus par le faible cœur de cette pauvre fille ; et maintenant calme, elle ne voyait plus dans l’ancienne idole de son cœur qu’un scélérat indigne d’y régner… même un seul instant.

Tu es la première femme que j’embrasse, lui dit Bressac en la pressant avec ardeur, tu es délicieuse, mon enfant ; un rayon de philosophie a donc pénétré ton esprit ? Est-il possible que cette tête charmante soit si long-tems restée dans d’affreux préjugés ?… O Justine ! le flambeau de la raison dissipe donc les ténèbres où la superstition te plongeait, tu vois clair, tu conçois le néant des crimes, et les devoirs sacrés de l’intérêt personnel l’emportent à la fin sur les frivoles considérations de