Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/258

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qu’il avait fait pour surprendre les dépêches de la marquise, et comment était né le soupçon qui l’avait engagé à les détourner. Qu’as-tu fait, par ta fausseté, imbécille créature, continue Bressac ; tu as risqué tes jours, sans sauver ceux de ta maitresse ; car elle mourra de même, et ce sera sous tes yeux ; tu la suivras. Je te convaincrai, Justine, que la route de la vertu n’est pas constamment la meilleure, et qu’il y a des circonstances dans le monde où la complicité du crime est préférable à sa délation. Bressac revole de-là chez sa mère. Votre arrêt est porté, madame, lui dit ce monstre, il faut le subir ; peut-être auriez-vous mieux fait, connaissant mes desseins et ma haine pour vous, d’avaler tout simplement le breuvage ; en évitant une mort douce, vous vous en êtes préparé une cruelle. Allons, madame, plus de délai. — Barbare, de quoi m’accuses-tu ? — Lisez votre lettre. — Dès que tu conspirais contre mes jours, ne devais-je me défendre de toi ? — Non, tu n’es plus qu’un être inutile sur terre, tes jours m’appartiennent, et les miens sont sacrés. — Oh ! scélérat, la passion t’aveugles — Socrate avala sans résistence le poison qui lui fut présenté ; on t’en a offert de ma part.