Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/317

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une fois, tout cela est de circonstance, et rien de tout cela n’assigne un mérite réel à la vertu. Il est telle vertu d’ailleurs impossible à certain homme. Recommandez la chasteté à un libertin, la tempérance à un ivrogne, la bienfaisance à un homme féroce, la nature, plus forte que vos recommandations et vos loix, rompra tous les freins que vous voudrez imposer ; et vous serez forcé de convenir qu’une vertu qui contrarie ou qui combat les passions, ne peut être que très-dangereuse. Ce seront assurément chez les hommes que je viens de citer, les vices opposés à ces vertus qui deviendront préférables, puisque ce seront les seuls modes… les seules manières d’être qui s’arrangeront le mieux à leur physique ou à leurs organes ; il y aura donc dans cette hypothèse des vices très-utiles. Or, comment la vertu le sera-t-elle, s’il est démontré que ses contraires puissent l’être. On vous dit à cela, la vertu est utile aux autres, et, sous ce rapport, elle est bonne ; car, s’il est reçu de ne faire que ce qui est bon aux autres, à mon tour je ne recevrai que du bien. Prenons-y bien garde, ce raisonnement n’est qu’un sophisme. Pour le peu de bien que je reçois des autres, en raison de ce