Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/316

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tuellement, ne saurait prétendre à un caractère de bonté. Voilà d’où vient que les Théistes, en établissant une chimère, mirent l’immutabilité au rang des perfections de leur dieu. Mais la vertu est absolument privée de ce caractère ; non-seulement il y a des vertus de religion, de mode, de circonstance, de tempérament, de climat, mais il y en a aussi de gouvernement. Les vertus d’une révolution, par exemple, sont bien éloignées d’être celles d’un gouvernement tranquille. Brutus, le plus grand des hommes en république, eût été roué dans une monarchie ; Labarre, exécuté sous Louis XV, eût peut-être mérité des couronnes quelques années plus tard. En général, il n’est pas deux peuples sur la surface de la terre qui soient vertueux de la même façon ; donc la vertu n’a rien de réel, rien de bon intrinséquement, et ne mérite en rien notre culte. Il faut s’en servir comme d’étaie, adopter hypocritement celle du pays où l’on vit, afin que ceux qui la pratiquent par goût, ou qui doivent la révérer par état, vous laissent en repos ; et afin aussi que cette vertu, respectée où vous êtes, vous garantisse, par sa prépondérance de convention, des attentats de ceux qui professent le vice. Mais encore