Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/321

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genre de constitution de nos sociétés nous force à lui rendre. C’est une affaire purement de circonstance ; mais, dans le fait, ce culte est ridicule… il est chimérique ; et la vertu qui l’obtient un instant, n’en est pas pour cela plus belle ; le vice, au contraire, est rempli d’agrémens ; dans sa seule pratique est tout le bonheur de la vie ; lui seul enflamme, échauffe les passions ; et celui qui a pris, comme moi, l’habitude d’y vivre, n’a même plus la faculté d’adopter une autre carrière ; je sais que les préjugés le combattent, que l’opinion en triomphe quelquefois ; mais y a-t-il rien de plus méprisable au monde que les préjugés, et rien qui mérite d’être bravé comme l’opinion ? L’opinion, a dit Voltaire, est la reine du monde ; n’est-ce pas avouer qu’elle n’a, comme les reines, qu’une puissance de convention, qu’une arbitraire autorité ; et que me fait à moi l’opinion des hommes ; que m’importent ce qu’ils pensent de mon individu, pourvu que je trouve le bonheur dans les principes que je me suis fait. De deux choses l’une : ou ils me cachent cette opinion, de ce moment elle ne me fait aucun mal ; ou ils me la témoignent, et j’éprouve dès-lors une jouissance de plus… oui,