Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/325

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leurs misérables passions, ils aiment mieux nier les vérités éternelles, que d’abandonner ce qui les en rend indignes ; ils aiment mieux dire, on nous abuse, que d’avouer qu’ils s’abusent eux-mêmes : l’idée des pertes qu’ils se prépareraient ainsi, troublerait leurs affreuses voluptés ; il leur paraît moins terrible d’anéantir l’espoir du ciel, que de s’assujétir à ce qui doit le leur acquérir ; mais quand ces tyranniques passions s’affaiblissent en eux, quand le voile se déchire, quand rien ne balance plus dans leur cœur corrompu, cette voix impérieuse du Dieu que méconnaissait leur délire, quel il doit être, ô Rosalie ! ce cruel retour sur eux-mêmes, et combien le remords qui l’accompagne doit leur faire payer cher l’instant d’erreur qui les aveuglait ? Voilà l’état où il faut juger l’homme pour régler sa propre conduite : ce n’est ni dans l’ivresse, ni dans le transport d’une fièvre ardente, que nous devons croire à ce qu’il dit ; c’est lorsque sa raison, calmée, jouissant de toute son énergie, cherche la vérité, la soupçonne et la voit. Nous le desirons de nous mêmes alors, cet être saint, autrefois méconnu ; nous l’implorons, il nous console ; nous le prions, il, nous écoute ; et pourquoi le nierions-nous ?