Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/333

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quiert aucune supériorité sur Justine. Plus forte de sa vertu que Rodin ne l’est de son crime, elle s’élance, légère et souple comme une anguille, elle se glisse, échappe au bras qui la retient, ouvre une fenêtre, et crie au secours. On ne songe pas à tout, quand on combine une mauvaise action ; aveuglé par les délices que sa jouissance nous promet, on néglige presque toujours les soins les plus importuns. Rodin ne s’était pas souvenu que cette maudite fenêtre donnait précisément sur le dortoir des jeunes filles, et que l’esclandre que fesait Justine allait peut-être le perdre pour la vie. Arrête, malheureuse, arrête, lui crie-t-il ; sors, je vais t’ouvrir ; ne dis mot ; au nom du ciel, ne me perds pas ! Eh bien, ouvrez-moi la porte, dit Justine, je cesserai de crier, dès que je la verrai ouverte. Il fallut obéir, la prudence l’exigeait ; Justine sort, et le crime, encore une fois repoussé par l’énergie de la vertu, ne retire de ses entreprises que le regret de les avoir aussi mal exécutées.

C’était bien ici le cas de quitter la maison de Rodin ; et Justine eût sans doute profité de la circonstance, si elle ne se fût pas trouvée positivement alors dans la crise la plus im-