Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coucher toute nue ; elle se déshabillait dès qu’elle se croyait bien enfermée, et se jetait imprudemment de cette manière sur son lit, pour y reposer plus au frais. Rodin fit promptement et mystérieusement exécuter une trape, au moyen de laquelle le lit de Justine pouvait s’enlever dans la chambre qui était au-dessus ; il s’empare de cette chambre, et une belle nuit, dès qu’il croit sa victime dans les bras du sommeil, la trape joue, et voilà notre infortunée toute nue et sans la plus légère défense, au pouvoir de ce scélérat, bien fermé, bien barricadé dans la chambre où il croit enfin réussir.

Ah ! je te tiens, coquine, s’écrie-t-il en se jetant sur sa proie, tu ne m’échapperas plus maintenant ; et le paillard, en disant cela, éclairé par six bougies, placées avec intention dans cette chambre, jouit à-la-fois, et du plaisir de considérer le corps sublime de la jeune innocente, et de la volupté plus grande encore de le couvrir de ses baisers. Nous n’avons pas besoin de peindre son état. On se représente aisément celui d’un libertin qui possède enfin ce qu’il desire, après l’avoir attendu des siècles. Mais, quelque vigueur que cet état lui prête, il n’en ac-