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qu’il acquiert par nos expériences ; ne fut-il commis que par le seul effet des passions, il serait toujours une bonne œuvre ; car ces passions, n’en doutes pas, mon ami, ne sont placées par la nature dans nous, que pour adoucir les répugnances que ses volontés nous inspireraient sans cela. Ne dut-il donc s’agir que de ma seule fantaisie, je regarderais la chose comme toute simple ; à plus forte raison quand elle devient nécessaire à un art aussi utile aux hommes : quand elle peut fournir d’aussi grandes lumières, dès-lors ce meurtre devient la plus belle, la plus sage de toutes les actions, et ce ne serait qu’à se la refuser qu’il pourrait exister du crime ; c’est le prix ridicule que nous attachons à cette vie qui nous fait éternellement déraisonner sur le genre d’action qui engage un homme à se délivrer de son semblable. Croyant que l’existence est le plus grand des biens, nous nous imaginons stupidement faire un crime en soustrayant ceux qui en jouissent. Mais la cessation de cette existence, ou du moins ce qui la suit, n’est pas plus un mal que la vie n’est un bien ; ou plutôt, si rien ne meurt, si rien ne se détruit si rien ne se perd dans la nature, si toutes