Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/350

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l’être qu’il a créé ne lui appartienne pas ; il ne peut exister au monde une propriété plus sacrée ; or, si cette propriété est bien établie, la possibilité d’en disposer à son gré en devient une suite nécessaire ; combien de races parmi les animaux nous donnent l’exemple de l’infanticide ? Combien en est-il qui, comme le lapin, n’ont pas de plus grand plaisir que celui de dévorer leurs enfans ; je vais plus loin, mon ami, je suis affirmativement convaincu qu’une des meilleures actions qu’un père ou qu’une mère puissent faire, consiste à se débarrasser de ses enfans ; nous n’avons point de plus grands ennemis dans le monde. Et n’est-il donc pas bien fait, d’après cela, de s’en délivrer avant qu’ils soient en âge de nous nuire ? La propagation est d’ailleurs infiniment trop nombreuse en Europe ; elle excède infiniment ses moyens de subsistance ; le meurtre de ses enfans est donc encore une excellente action, considérée sous ce nouveau point de vue. Qui pourrait donc me retenir ? l’humanité ! ô mon ami, je ne connais pas, je l’avoue, une plus fausse vertu ; l’humanité, je le prouverai quand on voudra, n’est qu’une manière d’être, qui, prise dans le sens que