Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que par l’espèce et la multitude de ses forfaits. On la nommait Dubois, et elle était, ainsi que Justine, à la veille de subir son jugement de mort. Le genre seul embarrassait les juges ; s’étant souillée de tous les crimes imaginables, on se trouvait contraint, ou à inventer pour elle un supplice, ou à lui en faire subir un dont la loi excepte les femmes. Justine avait inspiré une sorte d’intérêt à cette créature, intérêt basé sur le crime, et qui pourtant délivra la vertu.

Un soir, deux jours peut-être avant celui où toutes deux devaient perdre la vie, la Dubois dit à Justine de ne point se coucher, et de se tenir avec elle, sans affectation, le plus près possible du guichet. Entre sept et huit heures, poursuivit-elle, le feu prendra à la conciergerie ; c’est l’ouvrage de mes soins ; beaucoup de gens seront brûlés, sans doute ; peu importe, Justine, le sort des autres doit être toujours nul, dès qu’il s’agit de notre bien-être. Je ne connois pas, moi, ce fil de fraternité ridicule qu’établissent chez les hommes la faiblesse et la superstition. Soyons isolés, ma fille, comme nous a fait naître la nature : lui voyons-nous jamais lier un homme à un homme ? Si quelquefois