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douleur, que le besoin et que les larmes, que les flétrissures et l’échafaud. Non, non, Justine non, ou ce Dieu, que tu as la bêtise de croire, n’est fait que pour nos mépris, ou ce ne sont point là ses volontés. Vas, mon enfant, quand la nature nous place dans une situation où le mal nous devient nécessaire, et qu’elle nous laisse en même-tems la faculté de l’exercer, c’est que le mal sert à ses loix comme le bien, et qu’elle gagne autant à l’un qu’à l’autre. L’état où elle nous a créé, c’est l’égalité ; celui qui dérange cet état, n’est pas plus coupable que celui qui cherche à le rétablir ; tous deux agissent d’après des impressions reçues ; tous deux doivent les suivre et jouir en paix.

L’éloquence de la Dubois étoit autrement rapide que celle de la Delmonse ; à moyens égaux, la cause du crime est bien mieux défendue par celui qui le commet par besoin, que par celui qui ne s’y livre que par libertinage ; et Justine étourdie, pensa devenir la victime des séductions de cette femme adroite ; mais une voix plus forte, combattant dans son cœur, elle déclare à sa corruptrice, qu’elle est décidée à ne se jamais rendre, que le crime lui fait horreur, et qu’elle préfère la mort la plus affreuse à l’horrible obligation de le com-