Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 1, 1797.djvu/93

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cesse de flatteurs, rien ne peut exciter à la vengeance ; bien pénible en vérité, d’être tempérant et sobre, quand on est à chaque heure entouré des mets les plus suculens ; ils ont bien du mal à être sincères ces gens opulens et oisifs, quand il ne se présente pour eux aucun intérêt de mentir ; bien du mérite à ne pas desirer la femme des autres, quand tout ce que la lubricité peut avoir de plus vif, est sans cesse offert à leur sens ; mais nous, Justine, nous que cette Providence barbare, que ce Dieu vain et ridicule, dont tu as la folie de faire ton idole, a condamné à ramper dans l’humiliation, comme le serpent dans l’herbe, nous qu’on ne voit qu’avec dédain, parce que nous sommes pauvres, qu’on tyrannise, parce que nous sommes faibles, nous dont les lèvres ne sont abreuvées que de fiel, et dont les pas ne pressent que des ronces, tu veux que nous nous défendions du crime quand sa main seule nous ouvre la porte de la vie, nous y maintient, nous y conserve, et nous empêche de la perdre ; tu veux que perpétuellement soumis et dégradés, pendant que cette classe qui nous maîtrise, a pour elle toutes les faveurs de la fortune, nous ne nous réservions que la peine, l’abattement et la