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cendre ces caisses, il fallait les vuider. Dans cette fatale alternative, nous préférâmes d’emporter moins, et d’emporter plus sûrement : la vieille, les deux jeunes filles, la Durand et moi, nous nous chargeâmes à outrance, et nous ne cessâmes, huit jours de suite, de faire des voyages. Nous répandions, pendant ce temps-là, que Cordelli passerait le mois à la campagne ; qu’il nous avait chargé de lui aller journellement tenir compagnie, et sous main, nous frétions une felouque pour Venise. Le neuvième jour au matin nous en profitâmes, après avoir jeté la vieille dans un des puits du château la dernière fois que nous y fûmes, afin d’enterrer notre secret avec elle.

Le tems de notre traversée fut superbe, les soins de nos femmes excessifs, la chaire excellente : nous arrivâmes à Venise, point trop fatiguées d’une mer calme et tranquille, sur les côtes de laquelle nous n’avions jamais cessé d’être.

C’est, sans contredit, un spectacle aussi magnifique qu’imposant, que celui d’une ville immense flottante au milieu des eaux ; il semble, comme Grécourt le dit quelque part que la sodomie ait choisi là son saint