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la contraindre ainsi : qu’on nous accorde le divorce, et l’uxoricide sera moins connu. Quoiqu’il en soit, il faut que tu saches, ma chère, qu’il existe à Venise une célèbre association de scélérats, dont l’unique métier est de voler, de filouter, d’escroquer et d’assassiner au besoin, tous ceux qui leur résistent. Les fils de cette association s’étendent à plus de trente ou quarante milles d’ici, et tous correspondent chez le nommé Moberti, directeur en chef de cette troupe. Or, ce Moberti, ma chère, est mon amant ; je suis folle de lui : il est impossible d’avoir pour aucun homme les sentimens que j’ai pour celui-là ; et cependant, ma chère, en le voyant, tu t’étonneras sans doute de ma passion pour lui ; mais lorsque tu le connaîtras, tu cesseras de te surprendre, et tu concevras alors qu’il est possible d’aimer un homme pour ses goûts, ses passions, le genre de son esprit, plus que pour les agrémens physiques de sa personne. Moberti a cinquante-quatre ans ; il est roux comme Judas ; ses yeux sont chassieux et petits ; sa bouche large et mal garnie ; son nez et ses lèvres à la manière des nègres ; il est petit, mal fait, mais doué, malgré cela, d’un