Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 10, 1797.djvu/360

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je te la livre. Il n’eût pas plutôt entendu ces mots, qu’il déconne, il saisit cette malheureuse enfant et la jette, nue, au milieu des flammes ; je l’aide ; comme lui, je m’arme d’un fer pour repousser les mouvemens naturels de cette infortunée, que des bonds convulsifs enlèvent et rejettent vers nous ; on nous branle tous deux, on nous encule ; Marianne est rôtie… elle est consumée. Noirceuil décharge, j’en fais autant ; et nous allons passer le reste de la nuit dans les bras l’un de l’autre, à nous féliciter d’une scène dont les épisodes et les circonstances deviennent le complément d’un crime que nous trouvons encore trop faible.

Eh bien ! me dit Noirceuil, est-il quelque chose au monde qui vaille les plaisirs divins que donne le crime ? Existe-il quelque sentiment qui donne à notre existence une secousse plus vive et plus délicieuse ! — Oh ! mon ami, je n’en connais pas. — Vivons y donc éternellement ; que rien dans la nature entière ne puisse nous ramener à des principes différens ! Il est bien malheureux celui que des remords entraînent à des retours aussi funestes qu’imbécilles ; car, faible et pusillanime dans toutes les actions de sa vie,