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voyage elle ne se trouvait encore qu’à Lieursaint ; sachant que cette route pouvait la conduire vers les provinces méridionales, elle résolut de la suivre, et de gagner ainsi, comme elle le pourrait, ces pays éloignés, persuadée que le repos et la paix qui lui étaient si cruellement refusés dans sa patrie, l’attendaient peut-être au bout de la France : fatale erreur ! Que de chagrins il lui restait à dévorer encore !

Quelques eussent été ses peines, son innocence lui restait au moins jusques-là. Uniquement victime des attentats de deux ou trois libertins, elle pouvait (puisque jamais rien ne s’était passé de son gré) se ranger encore dans la classe des honnêtes filles ; elle n’avait rien à se reprocher ; son cœur était pur. Elle en devint trop glorieuse, et sa présomption fut punie. Elle avait toute sa fortune avec elle, c’est-à-dire, près de 500 liv., somme résultative de ce qu’elle avait gagné chez Bressac et chez Rodin. Elle se félicitait d’avoir au moins pu conserver ces secours, et se flattait qu’avec de la frugalité, de la tempérance et de l’économie, cet argent lui suffirait au moins jusqu’à ce qu’elle fût en situation de pouvoir trouver quelque place, Sa