Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/120

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la société soient le résultat des intérêts individuels, et que ce que vous considérez comme intérêts sociaux, n’est, au contraire, que le produit des sacrifices particuliers, m’avouerez-vous qu’en reprenant mes droits, quoique je ne le puisse que parce que vous appelez un crime, je ferai pourtant fort bien de commettre ce crime, puisqu’il rétablit la balance et qu’il me rend la portion d’énergie que je n’avais cédé à vos institutions sociales qu’au prix d’un bonheur qu’elle me refuse. Cette hypothèse admise, qu’appellerez-vous donc un crime à présent ? Eh ! non, non, il n’est point de crime ; il est quelques infractions au pacte social, mais je dois mépriser ce pacte, dès que les mouvemens de mon cœur m’avertissent qu’il ne peut contribuer au bonheur de ma vie, je dois chérir tout ce qui l’outrage, dès que ce n’est qu’au sein de ces insultes que le vrai bonheur naît pour moi. Voilà certes, dit Antonin qui mangeait et buvait comme un ogre, oui, voilà une conversation bien immorale. Et qu’appelez-vous morale, s’il vous plaît, dit Ambroise ? Le mode, dit Severino, qui doit conduire les hommes dans le sentier de la vertu. Mais, reprit Ambroise, si la vertu est elle-même une chimère comme le crime,