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société, par l’espoir d’y trouver plus facilement ses besoins ; mais si cette société ne les lui accorde qu’à des conditions onéreuses ne fera-t-il pas bien mieux de se les procurer lui-même que de les acheter si chers ? ne fera-t-il pas plus sagement de chercher sa vie dans les bois que de la mendier dans les villes, aux tristes conditions d’étouffer ses penchans… de les sacrifier à des intérêts généraux, dont il ne retire jamais que des chagrins.

Ambroise, dit Severino, tu me parais comme Sylvestre, bien ennemi des conventions sociales et des institutions humaines ? Je les abhorre, dit Ambroise ; elles entravent notre liberté, elles atténuent notre énergie, elles dégradent notre ame, elles ont fait de l’espèce humaine un vil troupeau d’esclaves que le premier intrigant mène où bon lui semble. Que de crimes, dit Severino, régneraient sur la terre sans institutions et sans maîtres ! Voilà ce qui s’appelle le raisonnement d’un esclave, répond Ambroise : qu’est-ce qu’un crime ? — L’action contraire aux intérêts de la société. — Et que sont les intérêts de la société ? — La masse de tous les intérêts individuels. — Mais si je vous prouve qu’il s’en faut bien que les intérêts de