Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/180

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d’un crime, ils ne t’eussent pas gardée vingt-quatre heures. Tout ce que tu vois ici est de la meilleure naissance : moi, ma bonne amie, je suis née du comte de Villebrune, devant, comme fille unique, posséder un jour 80 mille livres de rente ; je fus enlevée à douze ans, dans le sein de ma bonne, qui me ramenait d’une campagne de mon père, dans le couvent où j’étais élevée ; on attaqua la voiture, on m’arracha, et ma gouvernante fut assassinée. Amenée en poste ici, je fus flétrie dès le même soir ; toutes mes compagnes sont dans le même cas ; des comtes, des ducs, des marquis, d’opulens banquiers, de riches commerçans, des magistrats célèbres, sont les pères de tout ce que tu vois. Il n’en est pas une qui ne puisse prouver les plus belles alliances, et pas une qui, malgré cela, ne soit traitée avec la dernière ignominie ; mais ces malhonnêtes gens ne s’en tiennent pas là ; ils ont voulu déshonorer le sein même de leur propre famille : la jeune personne de vingt-six ans, l’une de nos plus belles sans doute, est la fille de Clément ; celle de neuf ans est nièce de Jérôme ; la plus jolie des filles de seize est nièce d’Antonin ; Severino a eu de même plusieurs enfans dans cette maison ; mais le scé-