Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/184

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chère ; il y a de treize ans que je suis ici ; il n’est presque pas une orgie dont je ne sois ; je suis sans cesse le plastron de toutes leurs débauches ; ils doivent être excédés de moi : par quels attraits les fixerais-je, fanée comme je la suis par leurs infâmes luxures ? et cependant ils me conservent, tandis que je leur ai vu réformer des créatures délicieuses au bout de huit jours. Celle qui fut immolée dernièrement n’avait pas seize ans, belle comme l’Amour, à peine ici depuis six mois ; mais elle devint grosse, et c’est un tort qu’ils ne pardonnent pas. L’avant-dernière fut sacrifiée au moment même où elle ressentait les premières douleurs de l’enfantement. Mais celles, dit Justine, qui périssent accidentellement dans des parties comme hier au soir à souper, font-elles nombre dans les réformées ? Point du tout, répondit Omphale, ce sont des évènemens imprévus qui ne comptent point, et qui n’empêchent pas le sacrifice quindécimaire. Et ces accidens-là sont-ils fréquens, poursuivit Justine ? Non, dit Omphale, ils se contentent de ce qu’ils se sont eux-mêmes prescrit ; et, excepté des cas extraordinaires ou de fortes raisons, ils s’en tiennent à la loi qu’ils ont faite. N’imagine pas que la plus ré-