Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/228

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assurément il ne jouit pas, ou sa jouissance n’est plus qu’intellectuelle, c’est-à-dire, chimérique et bien inférieure à celle des sens. Non, Justine, non, je ne cesserai de le répéter, il est parfaitement inutile qu’une jouissance soit partagée pour être vive et pour rendre cette sorte de plaisir aussi piquant qu’elle est susceptible de l’être ; il est, au contraire, très-essentiel que l’homme ne jouisse qu’aux dépens de la femme, qu’il prenne d’elle quel que sensation qu’elle en éprouve, tout ce qui peut donner de l’accroissement à la volupté dont il veut jouir, sans le plus léger égard aux effets qui peuvent en résulter pour la femme ; car, ces égards le troubleront ; ou il voudra que la femme partage, alors il ne jouit plus ; ou il craindra qu’elle ne souffre, et le voilà dérangé. Si l’égoïsme est la première loi de la nature, c’est bien sûrement, plus qu’ailleurs, dans les plaisirs de la lubricité que cette céleste mère desire qu’il soit notre unique mobile ; c’est un très-petit malheur que, pour l’accroissement de la volupté de l’homme, il lui faille ou négliger ou troubler celle de la femme ; car, si ce trouble lui fait gagner quelque chose, ce que perd l’objet qui le sert ne le touche en rien ; il doit lui