Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/235

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que quand elle a besoin des autres ; c’est-à-dire que, d’une portion de matière oblongue, j’en aurai formé trois ou quatre mille rondes ou quarrées. Voilà toute l’histoire du meurtre, oh ! Justine, est-il donc un crime ? peut-on nommer ainsi ce qui sert autant la nature ? l’homme a-t-il le pouvoir de commettre des crimes ? et, lorsque préférant son bonheur à celui des autres, il renverse ou détruit tout ce qu’il trouve dans son passage, a-t-il fait autre chose que servir la nature, dont les premières et les plus sûres inspirations lui dictent de se rendre heureux, n’importe aux dépens de qui ? Le systême de l’amour du prochain est une chimère que nous devons au christianisme, et non pas à la nature. Le sectateur du Nazaréen, tourmenté, malheureux, et par conséquent dans un état de faiblesse, qui devait faire crier à la tolérance… à l’humanité, dut nécessairement établir ce rapport fabuleux d’un être à un autre ; il préservait sa vie en le faisant réussir. Mais le philosophe n’admet pas ces rapports gigantesques ; ne voyant, ne considérant que lui seul dans l’univers, c’est à lui seul qu’il rapporte tout ; s’il ménage ou caresse un instant les autres, ce n’est jamais que relativement