Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/238

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m’appartienne, rien que je n’y aie placé, pour des raisons qu’il ne te convient pas d’approfondir ; que la plus abominable de tes actions, n’est, comme la plus vertueuse d’un autre, qu’une des façons de me servir ; que j’estime autant celui qui détruit que celui qui procrée, et que tous les deux me servent, quoique par des procédés différens. Ne te contiens donc point, nargues tes loix, tes conventions sociales et tes dieux ; n’écoute que moi seule ; et crois que, s’il existe un crime à mes regards, c’est l’opposition que tu mets à ce que je t’inspire, par ta résistance ou par tes sophismes. — Oh ! juste ciel ! s’écria Justine, vous me faites frémir ; s’il n’y avait pas des crimes contre la nature, d’où nous viendrait donc cette résistance invincible que nous éprouvons pour certains délits ? — Cette répugnance n’est pas dictée par la nature, répondit vivement notre philosophe ; elle n’a sa source que dans le défaut d’habitude, n’en est-il pas de même pour de certains mets ? quoiqu’excellens, n’y répugnons-nous pas seulement par défaut d’habitude ? oserait-on dire, d’après cela, que ces mets ne sont pas bons ? Tâchons de nous vaincre, et nous conviendrons bientôt de leur saveur. Nous répugnons