Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/240

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servi la nature. O Justine ! Archimède travaillait à une machine qui pouvait enlever le monde ; qu’un mécanicien en trouve une qui le pulvérise, celui-là seul aura bien mérité de la nature, puisque la main de la nature brûle de recommencer un ouvrage… manqué par elle dès le premier jet. — Oh ! mon père, avec de tels principes. — On est un scélérat, n’est-ce pas vrai, ma chère ? mais le scélérat est toujours l’homme de la nature, et le vertueux ne l’est que par circonstance. Hélas ! monsieur, poursuivit en pleurant notre infortunée, je n’ai pas assez d’esprit pour combattre vos sophismes ; mais l’effet qu’ils produisent sur mon cœur… sur un cœur neuf, ouvrage aussi certainement formé par la nature que peut l’être votre dépravation, cet effet, dis-je, suffit à me prouver que votre philosophie est aussi mauvaise que dangereuse. Dangereuse, soit, répondit Clément, mauvaise, non ; car tout ce qui est dangereux n’est point mauvais ; il y a des choses très-utiles qui sont dangereuses ; les serpens, les venins, la poudre à canon, tout cela est fort dangereux, et cependant d’un très-grand usage ; traite ma morale de même, mais ne l’avilis pas ; l’abus des meilleures choses peut devenir dangereux ;