Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/26

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leur jouissance est la chose du monde la plus insipide pour moi ; mais le plaisir de les engrosser, et de flétrir après le fruit que j’ai fait germer dans leurs seins, est une action délicieuse ; il n’en serait point, sans doute qui me rendisse plus coupable aux yeux de mes semblables : eh bien, sera-ce une raison pour moi de m’en corriger ? Non, sans doute ; et que m’importe l’estime ou l’opinion des hommes ; de quel poids peuvent être ces chimères, près de mes goûts ou de mes passions ? Ce que je perds avec eux, est le résultat de leur égoïsme ; ce que je leur préfère, sont les plus douces jouissances de la vie. — Les plus douces, monsieur ! — Oui, les plus douces, Justine, elles ne sont jamais plus délicieuses, que quand elles s’écartent le plus des usages reçus et des mœurs habituelles ; ce n’est qu’à la destruction de toutes ces digues, que consiste la plus suprême volupté. — Mais, monsieur, elles deviennent des crimes. — Mot vide de sens, ma chère, il n’y a point de crime dans la nature ; les hommes y croyent, cela est tout simple ; ils ont dû caractériser de délit tout ce qui troublait leur tranquillité ; ainsi l’outrage qu’un homme se permet sur un autre, peut véritablement exister individuellement