Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/27

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parlant… jamais aux yeux de la nature… Et ici Bandole répéta avec quelques expressions différentes, tout ce que Rodin avait dit sur le néant du délit de l’infanticide ; il lui prouva, pour le moins avec autant d’énergie, qu’il n’y avait aucune espèce de mal à disposer du fruit qu’on avait planté, et que nous n’avions sur aucune propriété des droits mieux fondés que sur celle-là. L’intention de la nature est remplie, dès que la femme est enceinte, poursuivit Bandole ; mais il lui est égal que le fruit mûrisse ou qu’il soit cueilli dans sa verdeur. — Oh ! monsieur, vous ne tirerez jamais de justes comparaisons de la chose inanimée à l’être possédant une ame. — Une ame, dit Bandole en éclatant de rire ; ah ! Dis-moi, je t’en prie, ma chère, ce que tu entends par cette expression. — Elle me donne l’idée du principe vivifiant et éternel, sublime et grande émanation de la divinité, qui nous rapproche d’elle, qui nous unit à elle, et qui, par la perfection de son essence, nous distingue de tous les animaux ; et ici Bandole, ayant éclaté de rire une seconde fois, dit à Justine : écoute, mon enfant : je m’apperçois que tu as quelque mérite, et je veux bien consentir à t’éclairer ; un peu d’attention, et suis-moi.