Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/262

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quinze ans et Justine ; si la luxure est par elle-même une chose vilaine, conviendras-tu, Honorine, que tout ce qu’on pourra y ajouter d’infâme n’y sera adapté qu’en lui prêtant du sel ? non-seulement alors il faudra que tous les épisodes deviennent autant et plus infâmes que le principal, mais il faudra aussi que l’acte infâme soit exercé sur une personne infâme, souillée, perdue d’honneur… de réputation ; et voilà ce qui fait que les libertins préfèrent les gueuses aux honnêtes femmes ; ils trouvent avec elles un piquant que la pudeur et la vertu leur refusent. — J’aurais cru qu’il était délicieux d’outrager l’un et l’autre. — Oui, quand on le peut, parce qu’alors la teinte d’infamie qu’on imprime devient votre ouvrage, et qu’il est délicieux d’avoir contribué à l’avilissement d’un individu quelconque ; mais, comme la vertu et la pudeur se refusent aux outrages projettés contre elles ; et qu’à moins d’être le plus fort, il devient difficile de les atteindre, l’homme dissolu se rejette avec délices sur ce qui lui ressemble ; il aime à mesurer la corruption des autres à la sienne, à l’y mêler, à l’y alimenter, à doubler ses moyens de dégradation de la masse de ceux des autres, et à se gangrener, à se