Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/263

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putréfier, pour ainsi dire, avec eux. Le plus grand chagrin qui pût m’arriver, serait de voir justifier mes écarts. Si je perdais la certitude de faire mal quand je me livre à mes excès, j’émousserais la houpe nerveuse de mes sensations libertines, je serais la moitié moins heureux ; que serait une jouissance que le vice n’accompagnerait pas ? Ah ! dit Justine, ne comptez-vous donc pour rien celles de la nature, et sont-elles souillées celles-là ? Mais toutes les jouissances sont dans la nature, reprit Sylvestre, la plus simple comme la plus criminelle ; sa voix nous indique de boire quand nous avons soif, comme de foutre lorsque nous bandons ; de soulager un malheureux, si notre organisation flexible et délicate nous y porte ; comme de l’outrager, si plus d’énergie dans le caractère nous conseille d’abuser de lui. Tout est à la nature, rien à nous ; elle nous suggère à-la-fois le penchant au crime et l’amour des vertus ; mais comme elle nous donne en même-tems des fruits médiocres et d’autres d’une saveur exquise, elle nous agite de même plus voluptueusement pour le crime que pour la vertu, parce qu’elle a toujours un beaucoup plus grand besoin de crime que de vertu ; et que