Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/281

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commune du genre humain, ou qu’elle avait eu quelque motif en me créant ainsi, puisque sa main seule avait inculqué dans moi le malheureux penchant aux vices infâmes dont je donnais journellement de si frappans exemples.

Nous sommes de Lyon ; mon père y exerçait le commerce avec un succès assez grand pour nous laisser un jour une fortune plus que suffisante à notre existence, lorsque la mort vint l’enlever, pendant que j’étais encore au berceau. Ma mère, qui m’adorait, et qui prenait de mon éducation des soins inimaginables, m’éleva avec une sœur, née un an après moi, dans la même semaine de la mort de mon père : on la nommait Sophie ; et quand elle eut atteint l’âge de treize ans, époque où je vais lui faire jouer un rôle sur la scène de mes aventures, on pouvait dire, avec vérité, que c’était la plus jolie fille de Lyon. Tant d’attraits ne tardèrent pas à me faire sentir que tous les prétendus freins de la nature s’évanouissent quand on bande, et qu’elle n’en connaît plus d’autres alors que ceux qui, réunissant les deux sexes, les invitent à jouir ensemble de tous les plaisirs de l’amour et de la débauche : ces derniers, plus piquans sur mon cœur que ceux d’un sentiment qui