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ressemblait trop à une vertu pour que je l’adoptasse jamais, furent les seuls qui se firent entendre en moi ; et j’avoue que dès que j’eus démêlé les grâces et les attraits de Sophie, ce fut son corps que je desirai, et nullement son cœur. C’est avec vérité que je puis dire n’avoir jamais connu ce sentiment factice de la délicatesse qui, rapportant tout au moral de la jouissance, paraît n’en admettre de vive que celle dont il fait les frais. J’ai joui de beaucoup d’objets dans ma vie ; mais je puis certifier que pas un ne fut cher à mon cœur ; il m’est même impossible de comprendre qu’on puisse aimer l’objet dont on jouit. Oh ! combien cette jouissance serait triste pour moi, si quelqu’autre sentiment que le besoin de foutre en composait les élémens ! Je n’ai jamais foutu de ma vie que pour insulter l’objet de ma luxure, et n’ai démêlé, dans cette action, d’autres charmes que l’outrage produit sur l’objet ; je le desire avant la jouissance, je l’abhorre quand le foutre est à bas.

Ma mère élevait Sophie à la maison ; et, comme je n’étais qu’externe à la pension où l’on m’éduquait, je passais presque toute ma journée avec cette charmante sœur ; sa délicieuse physionomie, ses cheveux superbes,