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J’y cours, j’exécute ; c’est de mes propres mains que j’achève le crime. Et ce double forfait me fit passer la nuit dans un océan de lubricités solitaires, mille fois supérieures à celles que le libertinage se permet au sein des plus doux objets de son culte.

Notre commerce ayant assez mal tourné dans les dernières années de la vie de ma mère, je résolus de réaliser le peu que j’avais : ce fut l’affaire de trois à quatre ans pour me mettre absolument en règle. Je me déterminai ensuite à voyager ; je laissai en pension la fille que j’avais eu de ma cousine, avec l’intention de la sacrifier un jour à mes plaisirs, et je partis. L’éducation que j’avais reçue me mettant à même de prendre le métier d’instituteur, quoique bien jeune encore, j’entrai à Dijon avec cette qualité près du fils et de la fille d’un conseiller au parlement.

La profession que j’embrassais flattait beaucoup ma lubricité ; je ne voyais déjà pour moi que des victimes de cette passion dans les sujets qui m’allaient être donnés. Oh ! quelles délices, me disais-je, d’abuser, comme je vais le faire, et de la confiance des pareils, et de la crédulité des élèves ! Quelle pâture pour ce sentiment interne de méchanceté qui me