Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/328

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elle y avait les yeux lorsque j’ai paru. Jérôme, m’a-t-elle dit, taisez-vous, ou je vous perds. De grâce, Moldane, ne faiblissez pas, et prenons un parti violent ; cette femme peut être dangereuse ; hâtons-nous de la prévenir.

Je ne m’appercevais pas à quel point mon récit enflammait Moldane ; il bandait quand j’étais venu le troubler ; l’irritation du fluide nerval embrâse aussi-tôt la bile ; l’incendie devient général ; et c’est le vit en l’air que Moldane, furieux, se précipite sur la cloison, l’enfonce, se jette sur sa femme, la traîne au milieu de la chambre, et, sous les yeux de ses enfans, lui enfonce vingt coups de couteau dans le cœur. Mais Moldane, qui n’avait que la colère du scélérat, et non son énergie, s’effarouche de ce qu’il vient de faire : les cris, les larmes des jeunes créatures qui l’entourent achèvent de le troubler : je crus qu’il allait devenir fou. Sortez, lui dis-je, vous êtes un lâche ; vous frémissez de la seule action qui assure votre bonheur et votre tranquillité ; que vos enfans vous suivent, que vos valets ignorent tout ; dites dans la maison que votre femme vient de se retirer près d’une amie, chez laquelle des soins l’appellent pour quelques jours ; Victoire et moi, nous nous char-