Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/337

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te prostitue, Joséphine ; il faut que ce soient tes charmes qui nous fassent vivre, — Oh ! mon ami, quel affreux projet ! — C’est le seul raisonnable à suivre ; c’est pour l’exécution de ce seul projet que j’ai consenti à t’enlever ; l’amour est une chimère, mon enfant ; il n’y a de réel que l’or ; il en faut gagner à tel prix que ce puisse être. — Et voilà donc les sentiments que tu m’avais juré ! — Connais-moi, Joséphine, il est tems ; sache que celui de l’amour n’approcha jamais de mon cœur ; je jouis des femmes, mais je les méprise ; je fais plus, je les déteste aussi-tôt que ma passion est assouvie ; je les tolère dans ma société quand elles sont utiles à ma fortune, jamais quand elles ne visent qu’au sentiment. N’en exiges donc pas davantage, et rapportes-t-en à moi du soin de te nourrir ; j’ai de la fausseté, du manège, de l’intrigue ; je veux te faire voler d’aventures en aventures, et te rendre par mes conseils la putain la plus célèbre qu’on ait jamais vu dans le monde. — Moi, devenir putain ! — N’as-tu pas été celle de ton père, de ton frère… n’as-tu pas été la mienne ? En vérité ta pudeur serait ici bien déplacée. Mais de profonds soupirs et des flots de larmes interceptèrent les douloureuses expressions