Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 2, 1797.djvu/338

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que voulait proférer Joséphine ; son accès de désespoir fut affreux, et quand elle me vit assez prononcé dans mon opinion pour ne pouvoir plus se flatter de m’en faire revenir, la malheureuse, qui ne perdait pas au moins par cet arrangement l’espoir d’être toujours auprès de moi… de moi qu’elle avait la folie d’aimer encore, consentit à tout, et nous nous établîmes en raison de ce divin projet.

Oui, divin, j’ose le dire ; en existe-t-il d’aussi agréable que celui d’assurer sa subsistance et son luxe sur la bonne-foi et la crédulité des autres ? il n’y a ni ouragan, ni dévastation à craindre dans des biens de cette nature, et l’imbécillité des hommes, en tous les tems la même, assure à celui qui compte sur elle, des trésors que ne lui rapporteraient même pas les mines du Pérou. Je me sentais les meilleures dispositions à bien conduire cette nouvelle barque ; Joséphine avait tout ce qu’il fallait pour en tenir le gouvernail, et nous nous lançâmes.

Une maison délicieuse, beaucoup de valets, de chevaux, un excellent cuisinier, tout l’attirail, en un mot, de gens riches, nous amena bientôt des dupes. Un vieux négociant juif, aussi connu par ses richesses que par sa luxure,